Les données font désormais partie de l’actif immatériel des entreprises et la question de la valorisation des données se pose d’un point de vue comptable comme d’un point de vue stratégique. Et comme toute chose qui a une valeur a aussi un prix, comment monétiser cet actif sans le détériorer, ni prendre de risques ?
Si cette problématique semble facile à imaginer, elle est très souvent plus complexe à mettre en place.
Lors d’une webconférence organisée le 16 février dernier, nous avons profité de l’expérience de nos intervenants pour recueillir leurs retours sur plusieurs questions essentielles.
- Anais Prost Coletta, Head of Data Marketing, Hachette Livre, qui vient de lancer le projet de valorisation et de monétisation des données issues des maisons d’édition du groupe Hachette.
- Christophe Blot, Directeur Général, CDiscount RelevanC, qui a une longue expérience de la monétisation des données.
- Pierre-Henri Bovis, Avocat et Fiscaliste, spécialisé en droit pénal et droit des affaires.
Penser à la valorisation dès la collecte des données
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est important de comprendre comment la donnée est traitée.

Anais Prost Coletta, Head of Data Marketing, Hachette Livre
« Les catalogues de nos maisons couvrent tous les segments de l’édition grand public. La force de notre projet c’est d’aller cibler les profils selon des thématiques très granulaires, très spécifiques. »
« Nous segmentons les données collectées avec pour objectif d’identifier des profils communs selon des critères précis. Cela nous permet d’établir une segmentation claire et d’aller recibler des gens qui ont consulté nos sites soit via des activations en programmatique sur les places de marché, soit via du retargeting pour les profils réconciliés avec notre base CRM. »
Valorisation des données : un actif comptable comme les autres ?
Sans surprise, la monétisation dépend de la façon dont on va utiliser la donnée derrière. Est-ce en complément d’un média vendu en même temps que la donnée ? Ou veut-on utiliser la donnée de manière complètement indépendante ?
Elle dépend également de la rareté, de la récence et de la granularité qu’elle offre mais aussi de la stratégie de vente de notre entreprise. On peut par exemple miser sur le fait de proposer une partie de ses données pour pouvoir négocier au mieux la vente de son média.
Il y a bien entendu une différence entre les données qu’un utilisateur a consenti à donner à un site (soit parce qu’il s’est loggé, soit parce qu’il a accepté une bannière cookie) et les données anonymes qui servent à segmenter et faire des études de marché.
En tant que telle, la donnée anonyme n’ayant pas de définition juridique précise, il n’y a donc pas de droit de propriété à proprement parler dessus. Pour autant, une marque peut avoir un droit de propriété sur la base de données qu’elle va concevoir à partir d’une originalité (par exemple, connaître les préférences littéraires d’un client comme c’est le cas pour Hachette Livre).

Pierre-Henri Bovis, Avocat et Fiscaliste, Bovis Avocats
« Le concept d’anonymisation a permis la libre circulation des données au sein de l’Union Européenne, ce qui n’était pas possible avant avec des données personnelles, nominatives. »
« Aujourd’hui il y a peu de marques qui insèrent leur base de données à l’actif de leurs sociétés bien que ce soit en théorie possible de le faire. »
En effet, pour Pierre-Henri Bovis, l’anonymisation est un concept difficile à respecter car il y a une difficulté d’arbitrage entre intérêt économique (originalité de ses critères etc.) d’une base de données et respect des normes d’anonymisation.
Pour conclure, la question de l’après-cookie a été évoquée. Nos intervenants s’accordent à penser que les acteurs du marché vont trouver une alternative pour continuer à échanger des données. Dans la même lignée, le ciblage contextuel devrait être le grand gagnant de cette fin programmée du cookie. Ce ciblage contextuel s’avère parfois plus pertinent que le ciblage par cookie.
De fait, on constate un sentiment de lassitude, voire de méfiance des consommateurs au regard de l’ultra-personnalisation des campagnes marketing. Dans ce contexte, quelles vont être les nouveaux leviers et les critères de performance des prochaines campagnes ? Quels types d’acteurs sont susceptibles d’émerger ? Une chose est sûre, ces thématiques vont rythmer les conférences et discussions sur le marché.